SAMIR KASSIR - Estratti
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"Algarade", extraits des éditoriaux de l'Orient-Express



SAMIR KASSIR dans l'Orient-Express (1996-1998)


La belle et l'architecte, #2, janvier 1996
(…) Avec tout aouniste, si sophistiqué soit-il, la conversation bute nécessairement à un moment ou à un autre sur le geste à effectuer, en prélude à toute alliance. Dieu seul sait pour quelle raison, les fidèles du général Aoun estiment que rien n’est faisable si, au préalable, l’on n’a pas dénoncé aux quatre vents son bannissement. C’est oublier que si quelqu’un doit faire un geste, c’est d’abord les aounistes: pour montrer qu’ils sont disposés à faire de la politique de manière conséquente, qu’ils sont capables de ne pas se laisser guider par leurs seuls affects, bref qu’ils sont prêts à jouer le jeu, avec toutes les frustrations qui vont avec, sans chercher à se donner le beau rôle du dénonciateur, comme ces éditorialistes qui ont attendu la fin de la bataille présidentielle pour écrire: On vous l’avait bien dit. (…)


Les rescapés de l'histoire, #3, février 1996
(…) Eux (Les Palestiniens) savent combien il serait erroné de faire défection lorsque l’occasion tant attendue est enfin offerte.
Voilà ce que n’ont pas compris les tenants du boycott. Voilà ce dont ils vont maintenant payer le pris en termes de crédibilité, le Hamas en tête, et c’est tant mieux. Parce que, du coup, on va peut être en finir avec le terrorisme intellectuel que les intégristes exercent sur l’intelligentsia arabe, en faisant croire qu’ils représentent la principale force politique en Palestine et la seule force désireuse de résister à Israël. Telle est sans doute la grande leçon qu’il faut retenir de tout cela: l’extrémisme n’est plus payant quand la modération est si efficace. (…)


Le funambule et son filet, #4 , mars 96
(…) Depuis bientôt cinq ans que le désarmement des milices a scellé la fin de la guerre, jamais la paix civile n’a été pensée par le personnel politique mandaté pour diriger la IIe République. Pour toute réflexion, on n’a eu que les sempiternelles et trompeuses dénonciations de la « guerre des autres » ou les promesses idylliques d’une restauration économique. Dans tout cela, personne n’a pris la peine de réfléchir aux ressorts d’un pacte national renouvelé ni aux exigences du contrat social qui, seul, lui donnerait sa pérennité.


Du souffle, #8, juillet 1996
(…) Non, il s’agit plus simplement de ne pas conclure de la forme actuelle de la présence syrienne qu’il ne saurait y avoir de politique dans ce pays. Quand, dans ce Parlement qui fut si mal élu, il se trouve onze députés pour refuser de se coucher, alors que la messe a été dite, il y a des raisons d’espérer. Par exemple que, dans le prochain Parlement, ils soient vingt de ce calibre, et pourquoi pas, trente. Et que, dynamique de groupe aidant, ils en convertissent vingt autres. Parce que c’est seulement ainsi qu’on pourra arriver, non pas lors des élections de cet été, mais avec celles de l’an 2000 (2001?), à produire un Parlement enfin en phase avec sa société plurielle.


La liberté, autrement, #12, novembre 1996
(…) Plaisir de l’autosatisfaction? L’équipe de L’Orient-Express n’y répugnerait pas, elle qu’on dit volontiers arrogante et qui n’est que fière de son pari déjà douze fois gagné : créer dans ce pays encore pantelant qu’est le Liban un espace d’expression et de discussion à la mesure de cette fin de siècle. Non, ce n’est pas le champagne qui monte à la tête, ce sont tout simplement les éloges des grands de la presse arabe, ce sont les échos que nous recevons des confrères étrangers quand ils ont l’occasion de découvrir L’Orient-Express. Et c’est, par-dessus tout, l’accueil des lecteurs, peut-être d’abord un peu décontenancés, mais vite séduits et déjà fidèles.
Ce pari, parlons-en d’ailleurs. Pour dire combien il a pu paraître fou à certains. Quoi, un périodique francophone qui ne serait pas fanfreluches et vieilles dentelles? Un magazine qui entend par société autre chose que le beau monde? Allons, mais les Libanais ne vous suivront jamais! Eh bien, voilà la grande leçon de cette aventure: il est gratifiant de s’adresser à l’intelligence des gens. (…)


Tourassic Parc, #14, janvier 1997
(…) Il est vrai que les hommes politiques libanais sont fâchés avec l’histoire. Ils ont choisi une fois pour toutes de l’employer dans leurs querelles. Et quand ils ont le bon goût de s’en abstenir, c’est pour n’en retenir qu’une « sagesse » bien convenue. Ecoutez les approximations des «responsables» les rares fois qu’ils abandonnent les terrains balisés de la petite politique pour s’aventurer dans un passé soigneusement désappris. Et songez combien stérilement fait récurrence le thème de l’unification des manuels d’histoire prévue par l’accord de Taëf. Comme si on ne savait pas depuis Dominique Chevallier et, dans un autre genre, Edmond Rabbath, qu’il est probable de produire une histoire une mais plurielle du Liban – en fait de ce qui est devenu le Liban. Mais voilà bien le problème: ce qui tient lieu de pouvoir n’a pas simplement un problème d’historicité, il lui manque la vision la plus basique de cet objet appelé Liban. Son devenir, son identité – eh oui! Il faut quand même en parler – rien de tout cela ne paraît le concerner. (…)


Anticonstitutionnellement, #15, février 1997
(…) Ça arrive généralement vers les onze-douze ans. On est si émerveillé de découvrir ces vingt-cinq lettres qu’on se les refile avec délectation à la récré. Pensez, c’est le-mot-le-plus-long-de-la-langue-française. Puis passent les années et l’on ne trouve jamais l’occasion de s’en servir. Eh bien, l’occasion on l’a maintenant au Liban. Plutôt trois fois qu’une. Répétez après moi l’exemple: La troïka gouverne, pardon gouvernait, anticonstitutionnellement. Voilà, c’est dit. Et si ça ne fait pas vraiment de bien, ça fait au moins plaisir à Maïssa. (…)


Responsable moi?, #16, mars 1997
(…) Comme si l’opinion publique avait oublié cette notion de responsabilité. C’est vrai que les hommes politiques qui exercent le pouvoir au Liban ont tout fait pour la lui faire oublier. Pour eux, aucune perte de face, aucun désaveu ne mérite une démission: ils ne sont pas responsables, voilà tout. Et le pire, c’est qu’on commence à les croire.
On connaît la rengaine: Ils ne peuvent pas démissionner, les Syriens n’accepteront jamais. Tu parles qu’ils acceptent. D’abord, parce que les candidats ministres, ils en ont un stock inépuisable dans les antichambres de Damas. Mais surtout parce que, depuis le temps qu’ils s’occupent des affaires libanaises, ils ont plus d’une fois montré combien facilement ils pouvaient s’adapter aux «particularités» de ce pays.
Ne se sont-ils pas révélés fort doctes en droit constitutionnel, eux qui n’ont une constitution que pour rire? (…)


Idéologies, #17, avril1997
(…) Au demeurant, qui peut sérieusement parler aujourd’hui d’une amputation de l’histoire antique quand la découverte d’un pan de mur phénicien dans le centre-ville de Beyrouth devient une valeur ajoutée pour la promotion immobilière qui sert de raison d’Etat? N’est-ce pas, d’une certaine façon, la victoire posthume de Charles Corm, le père de ce phénicianisme destiné à l’origine non point à soutenir des maronites – le mythe de la Montagne était suffisant en soi – mais à inventer des ascendants non arabes aux sunnites? Ce n’est que par la suite que, Saïd Akl aidant, le phénicianisme est venu coaguler avec le particularisme revendiqué de la Montagne pour forger une idéologie de combat anti-arabe. Ça, c’était avant que les recherches historiques récentes situent l’origine des Phéniciens dans la péninsule Arabique. Avant aussi les lumineuses déconstructions du discours historique entreprises par Ahmad Beydoun et Kamal Salibi. (…)


La politique en BOT, #19, juin 1997
(…) Pas de doute, c’est ce qu’on appelle de la grande communication. Je vous fais venir un journaliste égyptien qui n’a pas froid aux yeux. Je le laisse éreinter toute la République pendant une semaine, et sur ma télé à moi, s’il vous plaît. Et quand je suis bien sûr que, ravis et confiants, vous lui avez délégué votre esprit critique, je l’invite chez moi, enfin je m’invite chez lui, et c’est moi le plus beau.
Pas de regrets tout de même. Tout profit pour Hariri, la semaine libanaise sur Orbit nous aura au moins donné quelques petites gâteries dont la moindre n’était pas d’entendre Farès Boueiz dire des choses qu’il n’a pas apprises en cours particulier. Mais prenons garde à l’autoflagellation. Si un journaliste égyptien de télévision réussit mieux que ses confrères d’ici, ce n’est pas parce que les journalistes libanais sont mauvais. C’est plutôt parce que l’audiovisuel au Liban est trop lié aux cercles du pouvoir et que ses responsables, toutes chaînes confondues, ont intérêt (s) à ne confier leurs programmes politiques qu’à des animateurs complaisants. (…)


Le pays qui n'aime pas les enfants, #21, août 1997
(…) Doit-on pour autant accepter, ici comme ailleurs, que les enfants soient marginalisés par une société qui n’est pas elle-même adulte? C’est qu’il ne faudrait pas sous-estimer les prix à payer. Passe encore qu’ils soient confrontés à un moment ou à l’autre à un petit exemple d’arbitraire, ça forge le caractère. Bien plus grave est l’image du monde qui leur est offerte en permanence, celle du fric et du toc, du mépris et du racisme. Interdit aux enfants et aux Sri-Lankaises ! Ça ne s’invente pas et pourtant ça s’entend quelquefois, et là où on l’imagine le moins. N’est-ce pas dans cette même plage que le même irresponsable a cru bon de ne pas autoriser une cliente saisonnière de l’hôtel attenant à faire accompagner ses enfants par leur gouvernante philippine, alors que leur nurse anglaise avait été cordialement admise l’année dernière (voir l’article de Firas al-Amin dans le Nahar, juin 1997). Mais là, il est juste de le dire, tous se valent. Ou presque. Il n’est pas moins juste de noter, cependant, que bien rares sont ceux qui s’émeuvent alors parmi les clients ou les parents. Allez donc demander à un enfant comment il perçoit ces curieux allogènes qui sont si contents, n’est-ce pas, ma chère, de faire les besognes les plus ingrates. Triste pays où les plus jeunes sont si soigneusement programmés au rejet de la différence. (…)


Un État pas comme les autres, #22, septembre 1997
(…) Même devenue sans peuple, ou peu s’en faut, la Palestine est restée en travers du chemin du pays pas comme les autres. Irréductibles, toujours renaissants jusqu’à être proprement miraculés de l’Histoire, les Palestiniens sont là qui disent aux Israéliens qu’ils ne seront jamais comme les autres. C’est ce que Shimon Pérès avait perçu. C’est ce qu’Itzhak Rabin s’était résolu à accepter. C’est ce qui s’est dit à Bâle même la semaine dernière, au cours de la commémoration du congrès de 1897, et dans la bouche du successeur, lointain certes de Herzl, Avraham Burg, président du Congrès juif mondial et de l’Agence juive, et peu importe en la matière que ce poste n’ait été que le lot de consolation offert il y a quelques années à celui qui était l’étoile montante de la gauche travailliste.
C’est ce que ne comprend toujours pas Benjamin Netanyahu. Tant pis. Il finira par y venir. Après tout, n’est ce pas l’autre grande leçon du siècle écoulé? (…)


Jeu de rôles, #24, novembre 1997
(…) Des spécifications, il y en a dans toute élection. Mais elles concernent les candidats, et pas le président. Elles sont d’ailleurs stipulées par la Constitution: la possession de la nationalité libanaise, un âge minimum, un casier judiciaire vierge ou, en tout cas, la jouissance des droits politiques. A ces stipulations juridiques, on peut assurément imaginer qu’un mouvement démocratique fort qui émergerait dans les profondeurs du pays réussisse à en ajouter d’autres, qui seraient d’ordre politique. Par exemple, que le candidat n’ait pas trempé dans des crimes de guerre, eussent-ils été amnistiés. Qu’il n’ait pas changé de credo quatorze fois dans sa carrière. Qu’il ne soit pas soupçonnable d’enrichissement illicite ou de népotisme. Qu’il ait fait montre d’un minimum de décence dans son propre commerce avec Damas ou Anjar. Qu’il ait montré un respect certain des institutions. Et surtout qu’il ne se prenne pas pour un sauveur. (…)


Liberticide, #26, janvier 1998
(…) Nous l’a-t-on assez servi, cet argument de la dépolitisation supposé justifier une douce désespérance dans la jeunesse de ce pays? Nous l’a-t-on assez ressortie, l’idée qu’il fallait renoncer à l’espoir d’un changement parce que, serinait-on, les jeunes d’aujourd’hui seraient trop occupés à se trouver une place au soleil pour s’investir dans la politique? Bon, la démonstration est faite maintenant qu’il ne faut jamais mépriser l’intelligence civique. La grande leçon est là: les citoyens, y compris les plus désengagés, y compris les plus blasés, finissent par se rendre compte qu’il vaut le coup de mener de petites batailles, que parler sert à quelque chose et que la liberté d’expression reste bonne à conquérir même si elle ne se prolonge pas encore d’une entière liberté politique, c'est-à-dire de la possibilité de l’alternance. (…)


Fin(s) de règne, #27, février 1998
(…) Non point parce que cela fait toujours plaisir de voir un gouvernement arrogant proprement étrillé. Mais parce qu’on vérifie, à chacune de ces occasions, que la vie parlementaire n’est pas régie par une sommaire logique arithmétique. Quand une poignée de députés en arrivent à avoir de l’ascendant sur trente ministres et leur majorité, on se dit que la psychologie de groupe est tout aussi importante. A moins que ce soit tout simplement cela, la politique, une dynamique de forces qui échappe à la quantification. (…)


http://www.prixsamirkassir.org/samirkassir4-FR.htm



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