Après son petit déjeuner , il resta au lit
une heure et demie à flâner et à lire les journaux.
Il en avait si souvent rêvé, de cette
coalition blanche Europe unie – Ėtas Unis ! Elle se réalisait
enfin, dans l’ordre et la discipline. Les pays occidentaux vivaient dans le
culte du travail, de la famille et du sport. A l’Est, il n’y avait plus de
communistes ; à l’ouest idem.
Les pays slaves étaient en ruine. Ils
n’avaient que ce qu’ils méritaient. Les élucubrations marxisto-dépressives des
Juifs étaient reléguées, par les Juifs eux mêmes ! dans le magasin des
accessoires démodés et inutiles. On
avait installé des villes à la campagne comme il l’avait prévu et
voulu. Chacun avait une petite voiture,
version plus ou moins abâtardie de sa fameuse Volks-wagen. Les autoroutes, dont
il avait quadrillé l’Allemagne, quadrillaient maintenant l’Europe. On ne fumait
plus, comme lui. On se bourrait de médicaments, comme lui. On ne mangeait plus
de viande, comme lui. L’alcool, considéré comme une drogue, serait écarté peu
à peu de la vie de tout le monde comme
il en avait été de la sienne. On célébrait ses chers chats, ses chers
chiens. Comme il aimait ce monde de
l’an 2000 ! Même les adultes s’étaient mis, comme lui naguère, à porter
des coulottes courtes pour faire du vélo ou de patin à roulettes. C’était le
retour du naïf, du sucré, du simplet. L’enfance nazie avait enfin vaincu l’âge
adulte démocratique. On ne débattait plus, on battait. On jouait. C’était ça
qu’il avait aimé faire toute sa vie : jouer. Jouer à mort.
Patrick Besson
Albin Michel, 2001
pp.
70 - 71